« J’habite, les territoires », renvoie à la définition première du territoire qui est la manière dont une entité vivante occupe un espace en l’habitant, en fait usage, l’administre. En affirmant « J’habite » - est redéfini l’espace et le pouvoir de celui qui occupe cet espace. Il y a autant de territoires qu’il y a d’individus qui décident de les nommer, les définir et les occuper. Habiter est un pouvoir.

En se propulsant, en se projetant, en se jetant de tout son être dans une expérience qu’il transforme en une action créative, l’artiste a la capacité de reproduire d’un geste l’ensemble de son univers, de créer un nouvel espace. Dans ce processus il se réinvente à la fois lui-même ainsi que le territoire. Il est dans la construction de son être - constamment se repositionne, réaffirme sa présence et bâtit par cette relation le territoire. Il trace sur son passage, par son processus, une cohérence qu’il habite et c’est l’ensemble de ces étapes qui constituent le territoire de l’être lui-même, à la fois symbolique et matérialisé.

La Manifestation JE/US présente une collection d'œuvres d’art répondant au thème « J’habite, les territoires », comme autant de possibles manières d’engager le corps et de définir un territoire en l’habitant.

Un ensemble d’actions y décuplent le pouvoir individuel — de la faculté d’ubiquité d’une plante transplantée (Eugenia Reznik), au courage de représenter une chute sociale (Florian JS), de transformer un tabou en un acte collectif (Myriam Tousignant), de défier publiquement un rêve commun (Simon Beaudry), de partager des pulsions métaphoriques (Li Alin). Un éventail de résistances à la domination de systèmes normatifs — du droit de réinterpréter les catégorisations entre espèces (Sonja Zlatanova), dans un désir universel d’être habité par une flamme (Chloé Beaulac), ou de raviver les noms d’une culture qui est effacée (Khadija Baker), afin de se libérer de la codification des corps (Esther Calixte-Bea), tout en donnant au paysage le simple droit d’être expérimenté et contemplé (Marina Planas et Jean-François Prost). En tissant une complexité liant les corps à un paysage vivant (Mélanie O’Bomsawin), affirmer la place d’une communauté d’artistes à un lieu (Collectif Aracanche). Autant de territoires qui se superposent et s’additionnent, sont nommés et forment les dimensions tout autant conscientes, qu’inconscientes de l’idée d’habiter.

Cécile Martin, Commissaire de la Manifestation JE/US